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Pratiques environnementales
Pourquoi cette enquête ?
L’étude est issue d’un baromètre qui suit, depuis une quinzaine d’années, l’évolution des préoccupations et des pratiques des Français en matière d’environnement. A contre-courant de nombreux sondages qui prennent la température de l’opinion à un moment donné, il s’agit d’observer sur le long terme l’appropriation des enjeux environnementaux par les Français, pour prendre de la hauteur et analyser le plus objectivement possible les données collectées.
De récents sondages ont montré que les sujets de sécurité et d’emploi préoccupaient majoritairement plus les jeunes que celui de l’environnement La question du rapport des jeunes à l’environnement est intéressant, car ce sujet occupe une place importante dans le débat public depuis quelques années. Certains s’enthousiasment face à l’engagement écologique de cette génération, tandis que d’autres fustigent leur consumérisme ou leur abstentionnisme. De manière générale, les médias ont tendance à traiter la jeunesse comme s’il s’agissait d’une population homogène. Au contraire, nos enquêtes montrent que les jeunes doivent être considérés dans leur pluralité. Leur date de naissance ne suffit pas à les définir. Ils entretiennent un rapport complexe avec les enjeux environnementaux. Il faut donc se garder des caricatures et des généralisations hâtives.
Comment avez-vous mené cette enquête ?
Le baromètre utilisé s’intègre dans un dispositif global d’enquêtes, mené par le service statistique du Ministère de la Transition écologique. Ce baromètre est composé de vingt questions adressées chaque année à un échantillon représentatif de la population française. Près de 2 000 personnes sont interrogées sur leurs préoccupations, leurs opinions et leurs pratiques en matière d’environnement. La plupart des questions sont posées depuis plus de dix ans, ce qui permet d’observer aussi bien les points d’amélioration que les points de blocage. L’enjeu de ces indicateurs socio-environnementaux est de mieux comprendre pour mieux agir.
Outre ce baromètre, de grandes enquêtes sont menées sur des sujets plus précis : les modes de vie et pratiques environnementales depuis 1998, la perception des risques naturels et technologiques depuis 2005, et la relation des Français avec la Nature depuis 2020. Elles sont réalisées tous les cinq ans auprès d’importants échantillons représentatifs. Elles sont l’occasion de poser beaucoup plus de questions pour saisir le plus finement possible la façon dont les citoyens comprennent les enjeux et comment ils agissent à leur niveau individuel.
Quels sont les constats majeurs ?
De manière générale, le baromètre montre que s’opère un changement plus doux qu’on voudrait bien le croire. Pour autant, on observe des signaux encourageants. Plus de 70 % des enquêtés estiment que chacun doit s’investir autant que possible en faveur de la protection de l’environnement. Et d’ores et déjà, une moitié des Français déclare agir de la sorte. Cela étant dit, ces déclarations d’intention ne se traduisent pas toujours en pratique.
Quelles sont les motivations pour agir ?
En premier lieu, les Français veulent préserver l’avenir de leurs enfants, en s’assurant de la viabilité du monde dans lequel les générations futures seront amenées à vivre. Depuis quelques années, ils semblent aussi soucieux d’agir pour préserver la nature, suite aux alertes scientifiques faisant état d’un effondrement de la biodiversité. Globalement, ils ont conscience des enjeux, mais ils peinent encore à transformer leurs modes de vie.
Malgré l’envie d’agir, l’enquête montre que le passage à l’action reste difficile. Comment sont orientés les choix des Français ?
Il existe plusieurs types de freins. Certains sont d’ordre structurels, comme en matière de déplacement : les personnes qui vivent à distance des grands réseaux de transports ou dans des territoires enclavés ne voient pas comment ils pourraient se passer de leur voiture ou circuler en vélo au quotidien. D’autres freins relèvent de questionnements personnels du type « Est-ce que ça sert vraiment à quelque chose d’agir à titre individuel ? ». Pour la moitié des Français, c’est aux pouvoirs publics d’agir prioritairement en matière d’environnement ; l’engagement individuel n’est pas forcément perçu comme efficace et certains considèrent même qu’on en demande trop aux individus. En matière de consommation responsable, l’inflation pèse sur les choix des Français ; ils sont disposés à acheter des produits bio ou écolabellisés, mais ils voudraient que ceux-ci ne coûtent pas plus chers. En matière de déplacement, l’abandon de la voiture semble encore conditionné au développement de pistes cyclables sécurisées et de transports en commun adaptés aux besoins.
Qu’est-ce qui permettrait aux Français d’adopter les pratiques qui répondent à leur envie d’agir ?
La question des leviers dépend avant tout de la capacité à agir des citoyens. Pour certains, l’accompagnement financier est essentiel. Pour d’autres, c’est à l’échelle du territoire de vie que des transformations doivent avoir lieu pour favoriser le changement. Plus largement, la qualité de l’information conditionne l’adoption de nouvelles habitudes plus respectueuses de l’environnement. Les Français veulent disposer d’informations complètes, compréhensibles et objectives pour choisir par eux-mêmes la façon dont ils veulent s’engager. De longue date, des études sociologiques montrent que les Français sont souvent réticents à l’égard des recommandations publiques et des normes d’usage, car celles-ci s’adressent de manière homogène à une population très hétérogène. L’enjeu est donc de fournir des éléments de compréhension diversifiés, afin que chacun se les approprie au moment de réinterroger son mode de vie.
Quel est le rôle des collectivités pour accompagner ce changement de pratiques ?
Les attentes sont très fortes à l’égard des collectivités. D’autant que les Français accordent une confiance bien plus importante à l’information de proximité qu’à celle émanant du niveau national. Cela peut sembler évident, mais la crédibilité et la légitimité du discours public dépendent essentiellement d’un aspect : l’exemplarité. Il n’est pas entendable de faire la leçon aux autres si on ne se l’applique pas à soi-même. On l’a encore constaté, ces derniers mois, au moment où la question de la sobriété s’est imposée dans le débat public. Pour accompagner les changements de pratiques, il est aussi essentiel de donner la parole aux habitants du territoire, de travailler en partenariat avec les relais associatifs et d’élaborer conjointement des stratégies adaptées aux spécificités territoriales. On le sait depuis longtemps : on n’obtient pas de changement global sans prendre en considération la dimension locale.
Comment pensez-vous que votre enquête puisse être utilisée ?
Depuis quelques années, sont mises à disposition les données d’enquête sous forme de datavisualisation pour que chacun prenne connaissance des données détaillées. De même, nous travaillons avec des chercheurs et des acteurs de terrain pour analyser conjointement les résultats des grandes enquêtes. En 2018, nous avons ainsi publié un ouvrage collectif sur les pratiques environnementales. Et, en 2021, j’ai coordonné une autre publication consacrée aux relations qu’entretiennent les Français avec la nature. J’ai eu l’opportunité de présenter les résultats de ces études aux quatre coins de la France. Lors de ces interventions, les échanges avec les acteurs territoriaux ont toujours été très fructueux, car ils permettent de confronter les observations sociologiques avec la réalité des acteurs de terrain.
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