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Bien que les émissions nationales de gaz à effet de serre soient globalement en baisse, la tendance s’inverse lorsque l’on regarde l’empreinte carbone de la France qui tient compte des émissions liées aux importations de biens et de services. Les efforts de réduction doivent prendre en compte ce facteur également.
Si les énergies renouvelables progressent significativement, elles n’ont pas encore permis d’atteindre l’objectif fixé par l’Union européenne de 23 % en 2020. La précarité énergétique reste un sujet d’attention qui a reçu l’attention du gouvernement au travers du plan de relance. La France progresse également sur le développement de l’économie circulaire. Pour rappel, l’objectif de neutralité climatique est fixé à horizon 2050 par le Pacte vert [1], la baisse de 55 % des émissions est attendue d’ici 2030 et, pour les transports, l’objectif est d’atteindre une baisse de 90 % d’émissions en 2050.
La France est relativement en bonne place, 7e au niveau européen [2], en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre par habitant et en 3e place en termes d’émissions par PIB [3]. Le plan Climat de juillet 2017 a fixé l’objectif de neutralité carbone en 2050 dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015. Après une baisse importante des émissions de GES de 2 % en moyenne annuelle entre 2004 et 2019 [4] [5], la réduction s‘est atténuée à 0,6 % par an entre 2014 et 2019 [6], mais la France présente toutefois l’un des niveaux d’émissions les plus faibles parmi les pays développés. Ces émissions de GES sont constituées à 74 % de dioxyde de carbone, gaz qui a marqué une baisse de 18 % entre 1990 et 2019 [7]. La crise liée à la Covid-19 a engendré une baisse des émissions carbone entre 5 et 15 % en 2020 selon le Haut conseil pour le climat [8]. Malgré cela, nous ne sommes toujours pas sur la bonne trajectoire pour atteindre l’objectif de baisse de 40 % entre 1990 et 2030 pour l’ensemble des gaz à effet de serre, objectif établi par la stratégie nationale bas-carbone [9]. Entre 1990 et 2019, le secteur des transports voit ses émissions de GES augmenter de 9 %, tandis que les émissions des autres secteurs sont, au contraire, en baisse.
L’empreinte carbone a globalement baissé de 11,5 tonnes en 2010 à 9,9 tonnes par habitant en 2019 [10] soit de 13,9 % en 9 ans. Les émissions intérieures ont sensiblement diminué entre 1995 et 2019 (- 25 %) tandis les émissions associées aux importations se sont nettement accrues (+ 72 %). Après une forte progression entre 1995 et le milieu des années 2000, le niveau de l’empreinte amorce une décroissance sur la dernière décennie [11].
Ces chiffres ne sont toujours pas significatifs d’une rupture nette dans nos modes de consommation, le Haut conseil pour le climat [12] rapporte qu’il faudrait enregistrer une diminution drastique des émissions importées de 27 % en 2030 et de 65 % en 2050 par rapport à 2005 pour atteindre les objectifs.
Le développement de technologies bas carbone, de capture, de stockage et de valorisation du CO2 (technologies dites CCS [13], qui restent controversées), ainsi que la démocratisation des énergies vertes pour en permettre l’accès au plus grand nombre, sont autant de pistes de recherches. Le développement de l’hydrogène bas-carbone à destination des secteurs les plus polluants comme les mobilités lourdes, constitue une piste prioritaire soutenue par le gouvernement, avec 7 milliards d’euros d’investissements sur 10 ans. La stratégie nationale bas-carbone sera révisée en 2023 et devrait proposer des objectifs chiffrés de réduction de l’empreinte carbone pour répondre à la loi « relative à l’énergie et au climat de 2019 ». Le Cese préconise pour le futur que l’empreinte carbone devienne un indicateur central des politiques publiques [14].
Les émissions de carbone sont en grande partie liées à la demande en énergie qui reste un sujet d’attention prioritaire pour l’atteinte des objectifs. Le taux d’indépendance énergétique en France (énergie non importée) s’élève à 56,3 % [15]. La consommation finale d’énergie a baissé de 1,0 % entre 2014 et 2019 et les énergies renouvelables représentent en France 17,2 % de la consommation finale d’énergie en 2019 [16]. Pour rappel, les objectifs français en matière d’énergies renouvelables fixés pour 2020 issus du paquet énergie-climat 2020, adopté en 2008 par l’Union européenne, avaient été fixés à 23 % [17].
La production primaire d’énergies renouvelables a progressé de plus de 70 % depuis 2005. Cette croissance résulte principalement du fort développement de l’éolien, des pompes à chaleur et des biocarburants : ces trois filières, qui ne représentaient que 6 % de la production primaire d’énergies renouvelables en France en 2005, en représentent plus de 30 % en 2019 [18].
La loi de finances 2021 prévoit de porter à 6,9 milliards d’euros son soutien aux énergies renouvelables contre 5,4 milliards d’euros en 2020. Il est à noter que la filière bois-énergie, longtemps considérée comme vertueuse, est aujourd’hui remise en question. En effet, au niveau européen, le temps nécessaire au renouvellement des forêts ne permet plus de conserver un équilibre à zéro entre le bois-énergie brulé émetteur de CO2 et le CO2 capté par les arbres en croissance, du fait de la massification de l’usage [19].
En ce qui concerne les énergies fossiles, la France n’a plus que quatre centrales à charbon en fonctionnement, contre 250 en Europe. Fournissant 2 % de l’énergie, elles devraient fermer d’ici 2022.
La politique de diversification du mix énergétique devrait favoriser la pénétration des énergies renouvelables et de récupération. La « programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) » prévoit que la part du nucléaire soit réduite à 50 % de la production en 2035 (contre environ 70 % en 2019 [20]). Cette réduction suppose la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035 (dont les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim). En parallèle, la PPE prévoit un doublement de la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2028 par rapport à 2017, soit 40 % de renouvelable en 2028. La PPE prévoit aussi d’augmenter de 40 à 60 % la production de chaleur renouvelable par rapport à 2016, et de produire davantage de gaz renouvelable en 2028.
Par ailleurs, l’adhésion des populations est indispensable pour favoriser la modification des comportements de consommation. Elle nécessite la mise en place de dispositifs de sensibilisation et d’accompagnement. Entre les populations subissant une précarité énergétique et celles repoussant l’idée de sobriété énergétique, la mise en place de lieux d’information, de débats et de dispositifs participatifs sur les territoires reste nécessaire pour transformer les pratiques quotidiennes.
Le texte de loi qui illustre le mieux les trajectoires de transition écologique vers 2030 est sans doute la loi « de lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets [21] » adoptée le 20 juillet 2021 et issue des travaux de la convention citoyenne pour le climat et qui propose des avancées dans divers domaines liés à cinq thématiques : la consommation, le travail et la production, les déplacements, le logement, l’alimentation et la protection judiciaire de l’environnement. La loi prévoit entre autres mesures de renforcer les sanctions en cas d’atteinte contre l’environnement, d’atteindre zéro artificialisation nette d’ici 2050 et une diminution de 50 % en 2030, la rénovation énergétique d’ici 2028 des 4,8 millions de foyers dont le diagnostic de performance est compris entre F et G, l’interdiction de vente en 2030 de voitures neuves fortement émettrices en CO2, ou encore l’interdiction de vols domestiques si une alternative en train existe en moins de 2h30.
Le plan France relance fait également de la transition écologique un objectif stratégique en consacrant 30 milliards d’euros exclusivement aux investissements verts. L’enjeu est principalement la décarbonation de l’économie et de contribuer à l’objectif de réduction des émissions de carbone de 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 tout en soutenant les secteurs d’avenir et en misant sur les technologies vertes (hydrogène, recyclage, biocarburants).
Les stratégies les plus courantes et communément acceptées portent sur l’atténuation des effets du changement climatique. Cependant, l’atténuation seule n’est pas suffisante et il est important d’ajouter les actions d’adaptation au changement climatique, dans un contexte où la trajectoire du réchauffement reste incertaine et l’adaptation nécessaire. Portée par le « plan national PNACC2 [22] », l’adaptation est appelée à progresser encore dans l’ordre des priorités, en s’accompagnant d’objectifs, de mesures concrètes et d’indicateurs de suivi [23]. Une démarche propre à l’outre-mer est à prévoir, dans la mesure où les régions ultramarines sont soumises à des aléas climatiques d’une autre nature.
Avec l’énergie, les secteurs des transports et du bâtiment sont à l’origine d’une part importante des émissions. Les chiffres clés sur les transports fournis en 2020 par le CGDD [24] indiquent que le transport représente 18,1 % du PIB français. Les grèves fin 2019 et la crise sanitaire liée à la Covid-19 ont affecté à la baisse les transports individuels et collectifs. La part des déplacements individuels reste prépondérante avec 80,6 % et l’effort de promotion et de maillage du territoire par les transports en communs doit être poursuivi. Si les véhicules affichent une baisse constante des GES, le secteur du transport représente 31 % des émissions nationales de GES et 94 % du carbone émis provient du transport routier en 2019 [25]. La SNBC [26] avait fixé un premier budget carbone pour la période 2015-2018, qui n’avait pas été respecté. Dans le cadre de la SNBC 2019-2023, et pour la première fois, les chiffres de 2019 indiquent des émissions inférieures [27] aux objectifs de l’année fixés [28]. En matière de pollution liée aux transports, tous les polluants - à part le cuivre - ont été réduits entre 1990 et 2019 [29]. Pour réduire les émissions de GES, le covoiturage est une piste intéressante dont l’esprit s’inscrit dans l’élan d’initiatives solidaires générées par la crise. Les initiatives des services publics de l’État, qui emploient 2,4 millions d’agents, sont recensées sur l’action mobilité du dispositif Services publics écoresponsables initié début 2020 [30].
Le secteur du bâtiment représente 25 % des GES et 44 % des consommations d’énergie [31]. L’enjeu de précarité énergétique dans le logement reste prégnant avec 6,2 % de la population qui ne peut maintenir son logement « à bonne température » (soit 19° C [32]) en 2019, contre 4,9 % en 2017 [33]. Aujourd’hui, 5 millions de personnes subissent la précarité énergétique, alors que 60 % des logements construits avant 2012 relèvent de la réglementation d’avant 1974 et nécessitent des travaux de rénovation [34].
Les incidences sociales sont importantes, les rénovations énergétiques permettent de réduire les factures des ménages les plus précaires et répondent à une demande importante tandis que 900 000 personnes sont toujours privées de logement en 2020 d’après la fondation Abbé Pierre [35]. Les demandes en logements sociaux sont en hausse constante. La question de la qualité du logement [36], des matériaux employés, des performances énergétiques des logements sociaux, restent essentielles pour améliorer le budget et la santé des occupants et diminuer les émissions. Il est encore tôt pour présager d’une évolution de l’offre et de la demande en logements suite à la crise sanitaire, en particulier en Île-de-France, mais elle pourrait évoluer avec la préférence récente marquée vers les villes moyennes.
Par ailleurs, on recense 40 % des logements dont la qualité de l’air intérieur est dégradée [37] alors que nous passons, en moyenne, 80 % de notre temps en intérieur.
Des moyens importants sont désormais dégagés avec le Plan de Relance qui consacre 6,7 milliards d’euros à la rénovation thermique des bâtiments dont 2 milliards d’euros pour la rénovation des logements privés. Les dispositifs mis en place permettent notamment aux ménages modestes de réaliser, à moindre frais, les travaux nécessaires à une réduction de leurs émissions de GES et à l’amélioration de leur confort. Le grand plan d’investissement de 2017 avait engagé un effort considérable en faveur de la rénovation des bâtiments de l’État, il a permis une réduction de 139 000 tonnes des émissions de CO2 [38]. Cet effort a été prolongé par France Relance qui consacre 4 milliards d’euros à la rénovation thermique des bâtiments publics, dont 1,3 milliard en faveur des universités.
La loi « énergie climat de 2019 » impose désormais la rénovation énergétique des passoires thermiques de classe F ou G d’ici 2028. D’autres propositions émergent à l’exemple des recommandations du Haut Conseil pour le climat pour conditionner les aides publiques aux performances des bâtiments.
Enfin, l’économie circulaire [39] est un levier important pour diminuer nos émissions de GES, et générait par ailleurs 10,5 % de l’emplois salariés en 2015 [40] - le gouvernement estime que 300 000 emplois pourraient être développés [41]. L’économie circulaire permet de tendre vers un modèle économique à la fois profitable, sobre et respectueux des ressources. Ces dernières années, les projets d’économie circulaire ont augmenté [42], ce qui laisse espérer une amélioration des modes de production, au travers d’une meilleure prise en compte du recyclage et de la récupération des matières.
À titre d’exemple, l’armée de Terre contractualise annuellement près de 150 marchés auprès d’industriels pour ses approvisionnements ou soutien d’équipements, qui comportent des clauses relatives au développement durable ou à la transition énergétique, et qui s’adaptent aux évolutions normatives et notamment au remplacement de certaines substances (halon des systèmes d’extinction incendie par exemple). Le ministère des Armées s’attache également à optimiser la fin de vie de ses matériels.
Il peut s’agir, soit de leur donner une seconde vie (cession à l’étranger ou vente aux domaines), soit d’en prélever les pièces exploitables alimentant le stock (en limitant progressivement les acquisitions de rechanges), soit encore d’en assurer une élimination cadrée alimentant en partie des circuits d’approvisionnement (ferraille, câbles…).
À ce titre, ce sont par exemple, 1 000 tonnes par an de pneus qui sont retraités, 500 tonnes par an de batteries au plomb recyclées.
Le plan de relance prévoit, pour promouvoir l’économie circulaire, 1,2 milliard d’euros pour décarboner l’industrie, et 500 millions d’euros pour accélérer le recyclage et le réemploi, y compris des plastiques, et moderniser les centres de tri de déchets. La France produit 343 millions de tonnes de déchets par an, ce qui représente 5,1 tonnes de déchets par habitant en 2018 [43]. Les deux tiers de ces déchets sont recyclés ce qui laisse une marge de progrès significative pour tendre vers un moindre gaspillage et un meilleur recyclage, aussi bien des matières organiques que techniques. Dans un contexte avec des entreprises fragilisées par la crise économique, et une récession de 7,9 % en 2020 [44], la loi « Pacte de 2019 » vise à lever les freins à une croissance soutenue et durable pour rendre les entreprises compétitives et innovantes.
En tout état de cause, la mise en place de nouvelles filières économiques suppose un intense effort d’innovation. La crise a mis l’accent sur le besoin de co-construction, de partage et d’innovation de la part de tous les acteurs. Sans qu’ils ne constituent un modèle unique, les « living labs », soutenus par un programme européen depuis 2006, représentent des exemples de lieux d’expérimentation et d’innovation entre acteurs public, privés et citoyens. Comme les 12 laboratoires d’innovation territoriale, initiés par l’État en 2016. Le secteur public donne également lieu à des démarches visant à réduire son impact environnemental. Cette démarche concerne non seulement son fonctionnement quotidien, à l’instar du dispositif services publics écoresponsables (SPE) [45], mais aussi l’évaluation des politiques publiques.
La France s’est ainsi engagée dans une démarche d’évaluation environnementale des dépenses et recettes budgétaires et fiscales (« budget vert »). Le « budget vert » de l’État, engagement pris en 2017 lors du One planet summit, répartit les dépenses publiques en 2021 en fonction de six critères : lutte contre le réchauffement climatique, adaptation et gestion des risques, économie circulaire, gestion des déchets, lutte contre les pollutions et protection de la biodiversité. Il se traduit par la production annuelle d’un « rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État » sur les incidences de la loi de finances en matière environnementale. Ce rapport est le premier de ce type au monde et devrait permettre de mieux intégrer les enjeux environnementaux dans le pilotage des politiques publiques et de mesurer la compatibilité du budget avec les engagements pris par la France dans le cadre de l’Accord de Paris. L’État s’engage également à donner la préférence aux achats durables avec le troisième « plan national d’action d’achats publics durables » pour 2021-2025.
Il est à noter que la croissance en France a bien résisté à un contexte international dégradé, avec 1,3 % en 2019, ce qui marque toutefois un fléchissement par rapport à 2,3 % en 2017 [46]. Ces perspectives encourageantes qui indiquaient une compétitivité en progrès et des chiffres du chômage établis à 8,1 % en 2019, soit le niveau le plus bas depuis la crise de 2008, ont été contrées par la crise sanitaire de 2020 [47].